mercredi 16 janvier 2013

Maternelle dès 2 ans : priorité aux zones défavorisées


Libération
Marseille, le 16 avril 2012. Ecole maternelle Extérieur de Saint-Mauront.Marseille, le 16 avril 2012. Ecole maternelle Extérieur de Saint-Mauront. Photo Patrick Gherdoussi pour Libération.
Promesse de campagne numéro 37 du candidat François Hollande, la relance de la scolarisation des enfants de moins de trois ans est en marche. Le ministre de l’Education Vincent Peillon a publié ce mardi une circulaire sur le sujet (voir ci-dessous). Objectif : tripler le nombre de tout-petits dans les écoles maternelles des zones défavorisées d’ici à 2017. 3 000 postes seront créés à cet effet, afin de «favoriser la réussite» des enfants dont «la famille est éloignée de la culture scolaire».

Comment la situation a-t-elle évolué ces dernières années ?

«La circulaire Peillon représente un virage à 180 degrés», note Françoise Cartron, sénatrice PS de Gironde, auteure d’une proposition de loi pour sanctuariser l'école maternelle. Depuis plus d’une décennie, les chiffres de scolarisation des moins de 3 ans se sont effondrés. 34,5% des enfants des 2-3 ans allaient à l'école en 2000. En 2011, ils n'étaient plus que 13,6%. «L'école maternelle est devenue la variable d’ajustement des réductions d’effectifs», analyse Françoise Cartron. Entre 2007 et 2012, 80 000 postes ont été supprimés dans l’Education nationale, dont une bonne partie dans le primaire.
Au-delà de cette question de moyens, les professionnels du secteur déploraient le mépris du précédent gouvernement. En 2008, le ministre de l’Education Xavier Darcos s'était illustré par cette charge contre l'école maternelle : «Est-ce qu’il est vraiment logique (…) que nous fassions passer des concours bac +5 à des personnes dont la fonction va être essentiellement de faire faire des siestes à des enfants ou de leur changer les couches ? Je me pose la question.»

Quels objectifs et quelle mise en oeuvre ?

Vincent Peillon a fait du premier cycle le coeur de son programme, estimant, comme de nombreux experts, cette période décisive dans la formation de l’enfant. L'école maternelle, en particulier, a été placée au coeur de son projet de refondation. En pratique pourtant, les textes ne changent pas. La scolarisation demeure possible dès l'âge de deux ans, à condition que les enfants «soient physiquement et psychologiquement prêts à fréquenter» l'école. C’est la mention «dans la limite des places disponibles» qui va faire l’objet d’une modification sur le terrain.
D’ici à 2016, 3 000 créations de postes seront réservées aux écoles maternelles. Il s’agit «que d’ici à trois ans, 30 % des enfants dans les secteurs défavorisés puissent être scolarisés (ils sont à peine 11 % aujourd’hui en moyenne sur l’ensemble du territoire)», explique le ministère.
Au-delà de ces objectifs chiffrés, la circulaire Peillon envisage la possibilité de rentrées échelonnées, évoquant «un accueil différé au-delà de la rentrée scolaire en fonction de la date anniversaire de l’enfant». Une disposition dont l’application concrète pourrait être délicate : «C’est très complexe pour l’enfant qui doit s’adapter alors qu’un patrimoine et une culture commune se sont déjà créés dans la classe. Et la maîtresse ne peut pas faire trente rentrées scolaires !», a ainsi expliqué à l’AFP une enseignante près d’Annecy.
Du côté syndical, Sébastien Sihr (SNUipp-FSU, première organisation du primaire), salue un «nouvel élan». Auprès de l’AFP, il insiste néanmoins sur la nécessité de «former les enseignants aux besoins physiologiques des enfants, à leurs spécificités motrices, à la relation aux parents et au travail en équipe avec l’Atsem» (l’agent territorial qui seconde l’enseignant dans les maternelles). Le syndicaliste déplore «certains manques» dans la circulaire : «On avait demandé qu’il y ait des Atsem à plein temps et que l’on définisse des effectifs réduits d’au maximum 15 enfants par classe.»

Quel impact sur les inégalités ?

La circulaire souligne que la scolarisation précoce est «un moyen efficace de favoriser (la) réussite scolaire (du jeune enfant) en particulier lorsque, pour des raisons sociales, culturelles ou linguistiques, sa famille est éloignée de la culture scolaire». Françoise Cartron précise : «Tout ce que peut apporter l'école en bain de culture et de langage, c’est la première marche vers l'égalité. On parle beaucoup des problèmes d’apprentissage de la lecture. Or, ce n’est possible que si l’enfant a une palette de mots suffisante.» Et la sénatrice socialiste d’appuyer : «Un enfant qui entre à l'école à moins de trois ans redouble deux fois moins jusqu’au CM2.»
L’accent mis sur les zones défavorisées satisfait également Françoise Cartron. «Les territoires qui devraient en principe accueillir en priorité les enfants de moins de trois ans n’en ont souvent pas les moyens, explique-t-elle. En Seine-Saint-Denis, par exemple, le taux est de moins de 2%.»
La circulaire Peillon sur la scolarisation en maternelle

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